Il est des hommes qui se perdront toujours de Rebecca Lighieri

Il est des hommes qui se perdront toujours de Rebecca Lighieri
Il est des hommes qui se perdront toujours de Rebecca Lighieri

Note de lecture

Une phrase ouvre l’intrigue : « Qui a tué mon père ? » On pourrait tourner autrement cette entrée : pourquoi ce père a-t-il tué l’enfance de Karel, Hendricka et Mohand qui ont grandi dans la cité Antonin Artaud à Marseille. Si les trois enfants vont s’inventer un destin, on suivra en particulier le narrateur Karel, ses questionnements, ses joies, ses envies, ses rencontres et les moments sordides qu’il surmonte par son aptitude à dévorer la vie.
Rebecca Lighieri excelle par son style à endosser la peau de ses personnages. Elle réussit comme personne à parler leur langue et à nous faire enjamber les quartiers d’une ville qu’elle connaît bien. Son récit ne nous lâche pas un instant, tracé sans pause, à vive allure. La force de ce roman réside dans son rythme qu’elle a voulu à l’image de ses héros, tendus, frémissants, bouillants. Nous sommes avec eux dans ce tourbillon de vie à chaque ligne de ce très grand livre.

Quatrième de couverture

Il est des hommes est un roman noir, au sens où il ambitionne de dire quelque chose du monde social, de sa dureté, de sa folie, de sa barbarie. Un roman qui se confronte aux forces du mal, qui raconte l’enfance dévastée, l’injustice, le sida, la drogue, la violence dans une cité de Marseille entre les années 80 et 2000.
Le narrateur, Karel, est un garçon des quartiers Nord. Il grandit dans la cité Antonin Artaud, cité fictive adossée au massif de l’Etoile et flanquée d’un bidonville, « le passage 50 », habité par des gitans sédentarisés. Karel vit avec sa sœur Hendricka et son petit frère Mohand, infirme. Ils essaient de survivre à leur enfance, entre maltraitance, toxicomanie, pauvreté des parents, et indifférence des institutions. Le roman s’ouvre sur l’assassinat de leur père. Les trois enfants vont s’inventer chacun un destin. Karel s’interroge : « Qui a tué mon père ? » Et fantasme sur la vie qu’il aurait pu mener s’il était né sous une bonne étoile, s’il avait eu des parents moins déviants et moins maltraitants. Il se demande s’il n’a pas été contaminé par la violence, s’il n’est pas dépositaire d’un héritage à la fois tragique et minable, qui l’amènerait à abîmer les gens comme son père l’a fait. Il veille sur son petit frère et voit sa sœur réussir une carrière au cinéma.
C’est aussi le roman de Marseille, d’avant le MUCEM et d’avant la disparition du marché de la Plaine, qui constitue la géographie sentimentale du livre. Et c’est une plongée romanesque dans toute une culture populaire dont l’auteure saisit l’énergie et les émotions à travers les chansons de l’époque, de Céline Dion à Michael Jackson, en passant par IAM, Cheb Hasni, Richard Cocciante ou Elton John.

Il est des hommes qui se perdront toujours – Rebecca Lighieri
POL – Mars 2020 – 384 pages – 21 €



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